La Fée Verte : Un Apéritif à Redécouvrir

Je suis ravi de partager ma passion pour une boisson qui a traversé les âges, défié les interdits et conservé son aura mystérieuse : l’absinthe. Pour ma part, elle est souvent l’invitée d’honneur de mes apéritifs, et j’aime à la déguster dans les règles de l’art. Si vous aussi êtes curieux de percer les secrets de la Fée Verte, suivez le guide !


D’où vient l’absinthe ? Ses origines suisses

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’absinthe n’est pas née dans les cafés parisiens du XIXe siècle, mais bien ici, en Suisse ! C’est dans le paisible Val-de-Travers, dans le canton de Neuchâtel, que cette boisson emblématique a vu le jour à la fin du XVIIIe siècle. La légende attribue sa création au Dr Pierre Ordinaire, un médecin français émigré, ou à Marguerite Henriette Henriod, qui aurait mis au point la première recette comme un élixir médicinal. Quoi qu’il en soit, le Val-de-Travers est sans conteste le berceau de l’absinthe, et la région continue d’être un haut lieu de sa production.

L’absinthe est un spiritueux obtenu par la distillation d’une macération de plantes, dont la grande absinthe (Artemisia absinthium), l’anis vert et le fenouil sont les principaux ingrédients, souvent complétés par d’autres herbes comme l’hysope, la mélisse ou l’angélique. C’est cette combinaison unique qui lui confère son goût si distinctif et ses arômes complexes.


Le rituel de dégustation : L’art de « louche » l’absinthe

Déguster l’absinthe est bien plus qu’un simple acte de boire ; c’est un véritable rituel, une expérience sensorielle et visuelle qui révèle toute la subtilité de cette boisson. Oubliez les clichés du sucre flambé, popularisé par les discothèques tchèques dans les années 90 pour le spectacle, mais qui altère le goût. La méthode traditionnelle est la plus élégante et la plus respectueuse de l’absinthe :

  1. Le verre et la cuillère (optionnel) : Versez une mesure d’absinthe (environ 2 à 4 cl) dans un verre à absinthe traditionnel. Si vous le souhaitez, placez une cuillère à absinthe perforée sur le rebord du verre, et déposez-y un morceau de sucre. Notez que l’ajout de sucre n’est pas obligatoire ; de nombreuses absinthes sont délicieuses sans, et de plus en plus de dégustations se font sans cette étape pour apprécier l’amertume et les arômes bruts de la plante.
  2. La fontaine ou la carafe d’eau glacée : L’étape cruciale est l’ajout lent de l’eau. Idéalement, utilisez une fontaine à absinthe qui permet un goutte-à-goutte régulier. À défaut, une carafe d’eau glacée (sans glaçons directement dans le verre, pour ne pas « anesthésier » les saveurs) fera l’affaire.
  3. Le « louche » : Laissez l’eau s’écouler très lentement. Si vous utilisez du sucre, l’eau le dissout avant de tomber dans l’absinthe. C’est à ce moment que la magie opère : l’absinthe se trouble progressivement, passant d’un vert limpide à un blanc laiteux, presque opalescent. Ce phénomène, appelé « louche », est dû à la libération des huiles essentielles des plantes qui, insolubles dans l’eau, forment une émulsion. C’est le signe d’une absinthe de qualité !
  4. La dilution : Continuez d’ajouter de l’eau jusqu’à obtenir une dilution d’environ 3 à 5 volumes d’eau pour 1 volume d’absinthe, selon vos préférences. Une fois le sucre dissous (si utilisé) et la louche formée, mélangez délicatement avec la cuillère.

Notes de dégustation : Le goût de l’absinthe est unique. Vous découvrirez des arômes anisés prononcés, mais aussi des notes herbacées, florales et parfois légèrement amères, équilibrées par la douceur du sucre si vous avez choisi d’en ajouter. Chaque absinthe a son caractère propre, allant du plus doux et sucré au plus fort et herbacé.


L’interdiction en Suisse : Un passé mouvementé

L’absinthe a connu un succès fulgurant au XIXe siècle, devenant la boisson préférée des artistes et des intellectuels, mais aussi un apéritif populaire. Cependant, sa forte teneur en alcool et son association avec certains troubles sociaux ont conduit à sa stigmatisation.

En Suisse, l’interdiction de l’absinthe est intervenue en 1910, suite à une votation populaire en 1908. Plusieurs facteurs ont contribué à cette décision :

  • Le « mythe de l’absinthisme » : On attribuait à l’absinthe des effets psychoactifs et hallucinogènes, bien au-delà de ceux de l’alcool seul. La thuyone, une substance présente dans la grande absinthe, était pointée du doigt comme la cause de folie et de violence. Des études ultérieures ont largement démontré que les effets de l’absinthe n’étaient pas plus dangereux que ceux d’autres spiritueux, et que les accusations étaient souvent exagérées ou liées à des cas d’alcoolisme sévère.
  • Le drame de Lanfray : Un fait divers marquant, le « drame de Lanfray » en 1905, où un ouvrier agricole suisse a tué sa famille après avoir consommé de l’alcool, dont de l’absinthe, a servi de catalyseur à la campagne prohibitionniste. Bien qu’il ait aussi bu d’énormes quantités de vin et de brandy, l’absinthe fut désignée comme le bouc émissaire.
  • Le mouvement de tempérance et les intérêts économiques : Le mouvement de tempérance, prônant la sobriété, a trouvé dans l’absinthe une cible facile. Par ailleurs, les viticulteurs et les producteurs d’autres alcools voyaient d’un mauvais œil le succès grandissant de l’absinthe, qui concurrençait leurs produits.

Malgré l’interdiction, la production d’absinthe a perduré clandestinement dans le Val-de-Travers pendant près d’un siècle, témoignant de l’attachement à cette tradition. Heureusement, la Suisse a levé l’interdiction le 1er mars 2005, permettant à la Fée Verte de retrouver sa place légitime dans le paysage des spiritueux.


Aujourd’hui, l’absinthe est de nouveau célébrée pour sa richesse aromatique et son histoire fascinante. Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de vous initier à ses charmes, je vous invite vivement à tenter l’expérience. Vous pourriez bien découvrir votre nouvel apéritif préféré !

Découvrez les distillateurs du Val-de-Travers

Pour explorer davantage le monde de l’absinthe et soutenir les producteurs locaux, voici quelques distilleries qui perpétuent la tradition dans le Val-de-Travers :

Et vous, quelle est votre absinthe préférée et comment aimez-vous la déguster ? N’hésitez pas à partager vos expériences !

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