(Article paru Dans le périodique d’information interne du service où je travaille.)
Testeur en accessibilité à la DGNSI, Cédric Fardel, non-voyant, raconte le rôle de la technologie dans son quotidien, au travail comme dans ses loisirs.
/more
Le contact facile, une canne et de l’organisation permettent à Cédric Fardel de regarder ce que ses yeux ne voient pas. Mais pour compléter l’humain et la débrouille, celui qui est totalement aveugle depuis l’âge de 4 ans fait appel à la technologie.
Et il s’y connaît, lui qui travaille à la DGNSI depuis dix-huit ans, et qui a intégré l’équipe cyber en 2018 comme testeur en accessibilité. Cédric Fardel intervient au tout début de la chaîne de développement : tous les composants web de la cyberadministration et du site vd.ch passent par son… œil de lynx. « Je dois les valider selon une procédure d’évaluation rigoureuse qui garantisse leur conformité par rapport aux normes d’accessibilité. L’objectif est de veiller à offrir une expérience utilisateur optimale pour tous, quelles que soient leurs capacités. »
La tech au boulot, mais aussi à la maison et pour ses loisirs. Voici la journée-type d’un geek heureux de l’être.
Le lever. Pour choisir un t-shirt, retrouver le tube de dentifrice tombé par terre, lire la date de péremption d’un yoghourt ou la notice d’un médicament, il arrive parfois à Cédric de devoir activer la caméra du smartphone et l’application Be My Eyes : « Ce sont des appels vidéo qui nous mettent en relation avec des volontaires voyants du monde entier. L’appel les cible selon leur localisation et leur disponibilité, explique Cédric Fardel. L’interlocuteur guide alors ma caméra et me décrit ou me lit ce qu’il voit. Si l’on veut obtenir une description rapide sans faire appel à un volontaire, une fonctionnalité intégrée – Be My AI – utilise l’intelligence artificielle pour analyser l’image de la caméra et en faire une description vocale. »
Le trajet au bureau. S’il n’y a pas d’imprévu, Cédric se passe de technologie pour se rendre à Longemalle. Train, bus, marche, ascenseur : il peut compter sur sa concentration, mais aussi ses collègues, qui par ailleurs se relaient pour lui acheter un repas de midi. Il souligne « combien leur gentillesse, leur bienveillance et leur attention sont incroyables ! »
Au bureau. Au premier coup d’œil, le bureau de Cédric est identique à tous les postes de travail de la DGNSI. Si ce n’est qu’il est équipé d’un clavier en braille et d’un lecteur d’écran relié à son oreillette. « L’outil indispensable des personnes atteintes de déficiences visuelles », précise Cédric, qui décrit avec enthousiasme « un logiciel qui me permet d’interagir avec des ordinateurs et des smartphones. Le lecteur interprète le code et le contenu d’une page web ou d’une application, et me transmet ces informations via une voix de synthèse ou un afficheur braille. Grâce à de tels outils, les personnes aveugles ou malvoyantes peuvent naviguer sur le web, lire des documents, envoyer des e-mails, etc. », explique Cédric Fardel.
Le soir. Après sa journée de travail, Cédric Fardel continue de mettre son expertise au service des utilisateurs handicapés. « Je suis de près l’actualité des nouveautés, je teste les versions beta et, par des canaux ad hoc et des outils spécifiques, je signale les bugs aux constructeurs, voire leur propose d’autres solutions. Mes connaissances des technologies d’assistance facilitent autant mon travail que ma vie personnelle. »
Cédric apporte aussi sa contribution régulière comme podcasteur sur oxytude.org, un site web qui traite de l’actualité liée à l’accessibilité des outils informatiques et des nouvelles technologies pour les aveugles et malvoyants. Enfin pour ses coups de cœur ou de griffe personnels sur cette thématique, il tient toujours son blog cfardel.net, qu’il a créé à l’âge de 14 ans ! En-dehors de l’informatique, Cédric s’offre des loisirs plus ludiques : « J’aime le rock, le metal, les sorties entre potes et les balades dans la nature. »
De caractère joyeux et positif, Cédric Fardel a toujours su trier et prendre le bon dans l’évolution technologique, lui qui, au quotidien, en oublie son handicap : « Je n’y pense pas, comme ceux qui voient ne pensent pas au fait qu’ils voient. »
Ses trois outils clés
1. Le PC. Cédric Fardel baigne dans l’environnement informatique depuis son adolescence. Il reçoit son premier ordinateur à 13 ans, comme tous ses camarades de classe. C’est le début d’une vraie passion, « que j’aurais eue même sans mon handicap », précise-t-il. D’ailleurs c’est aussi une affaire de famille chez les Fardel : les deux frères de Cédric travaillent dans l’informatique également. Avant de conquérir sa vie d’informaticien, le PC commence par élargir l’horizon du jeune fan de musique qu’il était déjà adolescent.
2. L’iPhone. Le smartphone a changé sa vie de non-voyant : « Son arrivée a marqué un tournant majeur pour nous. Grâce à son interface intuitive et aux lecteurs d’écran intégrés comme VoiceOver (sur iPhone) et TalkBack (sous Android), un nouveau monde de possibilités s’est ouvert à nous. D’un simple toucher, nous pouvons naviguer sur l’écran, lire des textes, envoyer des messages et bien plus encore. » Et Cédric de citer également les GPS vocaux ou les outils de reconnaissance d’objets, autant d’applications spécialement conçues pour les aveugles, et qui performent surtout sur l’iPhone : « Pour nous, entre Androïd et Apple, c’est comme entre Fiat et Ferrari », explique Cédric, qui a évidemment tout testé. « En tout cas, les smartphones sont devenus de véritables assistants personnels. »
3. Les lunettes connectées. Cédric suit de près les progrès de cette nouvelle technologie pour avoir toutes les cartes en main le jour où il fera peut-être le pas de s’équiper : « Les lunettes de Meta peuvent analyser l’environnement en temps réel et fournir des informations vocales à l’utilisateur. Elles pourraient révolutionner le quotidien des aveugles. Mais attention, je ne voudrais pas une appli qui risque d’envoyer des données ou des visages sur internet », précise le testeur de l’équipe cyber qui garde les bons réflexes.
Mon cher Cédric très beau reportage qui met bien en valeur le jeune homme volontaire que je connais.
Merci chère Nicole pour ce message !